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  LES DANGERS DU SIONISME 

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LE SIONISME CHRETIEN - PARTIE VI

Des principes religieux à l’action politique.  
 
Par le Docteur Ali Menjour 
 
Les hommes comme Balfour, Lord Milner, Lord Robert Cecil et moi-même éprouvons une sympathie complexe à l’égard de l’idéal sioniste. On peut dire la même chose de tous les dirigeants de l’opinion publique dans notre pays et dans les dominions libéraux, conservateurs et travaillistes (David Lloyd George) (1).  
 
Le 2 novembre 1917, Balfour, au nom du gouvernement britannique, adressa la “ Déclaration ” à Lord Walter Rothschild. Quelques jours auparavant, le Général Allenby avait reçu l’ordre de déclencher une offensive générale en Palestine. Lorsque fut publiée la Déclaration, son armée était en marche vers Gaza, le verrou turc, qu’il allait faire sauter cinq jours plus tard. L’Angleterre faisait savoir aux Juifs du monde entier que les promesses de ses diplomates étaient appuyées par la force de ses armées (Jean-Pierre Alem) (2)
.  
 
L’expression “ sionisme chrétien ”, d’une cuvée relativement récente, était rarement utilisée il y a quelques années. C’est grâce à la coalition entre néo-conservateurs et droite chrétienne, qui a amené Bush Jr. au pouvoir, ainsi qu’à leur soutien sans faille au Likoud, que l’utilisation de cette expression est devenue courante. Pourtant, les adeptes de cette idéologie politico-religieuse ont commencé à faire entendre leur voix dès le début du 19ème siècle en Angleterre puis aux USA.  
 
Dans nos précédents articles, nous avons décrit comment s’est opéré au fil des siècles le passage dans la compréhension de l’eschatologie chrétienne du millénarisme historique des premiers Chrétiens au millénarisme dispensationnaliste, en passant par le Restaurationnisme (Restauration des juifs en Palestine) et le pré-millénarisme des Puritains.  
 
PRINCIPES RELIGIEUX DU SIONISME CHRETIEN 
 
Le cheminement de cette pensée religieuse a abouti à la création d’un certain nombre de principes fondamentaux ayant la valeur de nouveaux dogmes et pouvant être considérés comme la base de toute action sociale, politique ou autre des sionistes chrétiens envers l’Etat d’Israël et du sionisme politique. Notre étude sur cette question nous a conduit au travail du professeur Donald Wagner, professeur de théologie et d’études moyen-orientales à la North Park University de Chicago, où il dirige le centre d’études du Moyen-Orient. Le Professeur Wagner décrit sept principes fondamentaux. Premièrement : l’alliance de Dieu avec Israël est éternelle, exclusive et irrévocable, conformément à la Genèse = 12 : 1 – 7 – 15 : 4 – 7 – Lévitique ( 26 : 44 – 45) et ( Deutéromome) (7 : 7 – 8). Les livres sus-cités sont ceux de la Thora (les cinq premiers livres de l’Ancien Testament) que les Chrétiens nomment Pentateuque. Thora et Penta- teuque sont identiques.  
 
Deuxièmement : la Bible comporte deux alliances distinctes et parallèles, l’une avec Israël, irrévocable, l’autre avec l’Eglise, qui sera remplacée par l’alliance avec Israël. L’Eglise n’est que “ parenthèse ” dans le plan de Dieu et, en tant que telle, elle sera éliminée de l’histoire au cours de l’Extase : l’enlèvement aux cieux (Thessaloniciens 4 : 13-17 et 5 : 1-11). Après quoi, en tant que Nation, elle sera restaurée comme l’instrument premier de Dieu sur terre.  
 
Troisièmement : les sionistes chrétiens affirment que le passage “ Je bénirai ceux qui se bénissent et maudirai ceux qui se maudissent ” de la Genèse doit être interprété littéralement et nous conduire à soutenir politiquement, économiquement, moralement et spirituellement l’Etat d’Israël et, en général, le peuple juif.  
 
Quatrièmement : les sionistes chrétiens ont une interprétation littérale de la Bible et une compréhension herméneutique des textes apocalyptiques (ensemble du Livre de Daniel, Zacharie 9-12, Ezechiel 7-8, Thessaloniens 4-5 et le livre des Révélations), et ils sont persuadés que les messages qu’ils renferment seront accomplis dans le futur. Plus précisément, la version du millénarisme popularisée par Darby, Irving et Scofield (voir Réalités n°973) devrait être appelée “ dispensationnalisme futuriste prémillénariste ”, afin de le différencier du millénarisme historique, une eschatologie prônée par plusieurs pères de l’Eglise tels que Tertullien, Cyrille de Jérusalem, Justin le Martyr et d’autres.  
 
Cinquièmement : le sionisme chrétien adopte une approche dispensationnaliste de l’histoire, telle que proposée par Darby et vulgarisée par la version Scofield de la Bible publiée par Oxford University Press en 1909 (voir Réalités N°973).  
 
Sixièmement : le sionisme chrétien, ainsi que les dispensationnalistes prémillénaristes, ont une vue pessimiste de l’histoire parce qu’ils attendent dans la fébrilité la survenue d’une série de guerres et de tragédies annonciatrices du retour de Jésus. La création de l’Etat d’Israël, la reconstruction du troisième Temple, l’ascension de l’Antéchrist et la concentration d’armées prêtes à attaquer Israël, figurent parmi les signes qui conduisent à la bataille finale et au retour de Jésus. Les autres sionistes chrétiens, faisant autorité en matière de prophétisme biblique, cherchent à interpréter les développements politiques à la lumière du déroulement prophétique d’évènements qui devraient se succéder conformément à l’interprétation qu’ils font des Ecritures. En tant que type de théologie apocalyptique et dualiste, ce mouvement s’efforce de détecter dans l’histoire la montée en puissance et en influence des forces “ sataniques ” obéissant à l’Antéchrist et qui, lorsque la fin des temps sera proche, combattront Israël et ceux qui se seront rangés à ses côtés. Le Jugement tombera sur les nations et les individus en fonction de l’intensité (et de la sincérité) avec laquelle ils “ bénissent Israël ” (Genèse 12 : 3).  
 
Septièmement : le sionisme chrétien diffère de la doctrine de l’Eglise, en partie du fait qu’il a été développé par des clercs et des théologiens anglais anti-étatistes. Aujourd’hui, sa doctrine trouve un soutien significatif auprès d’églises charismatiques, pentecôtistes et bibliques indépendantes, qui ressortissent toutes au fondamentalisme protestant. Les sionistes chrétiens voient parfois les obédiences protestantes, orthodoxes et catholiques classiques d’un œil hostile, et ils ont pu parfois considérer le Conseil mondial des Eglises ainsi que les organismes qui en dépendent d’un très mauvais œil, car ils y voient des instruments d’Antéchrist.  
 
En Terre Sainte, les sionistes chrétiens sont hostiles aux Palestiniens chrétiens et ils détestent généralement les Musul-mans, en qui ils voient des brebis égarées adorant un autre Dieu. Des commentaires récents de sionistes chrétiens tels Jerry Fallwell, Pat Robertson et Franklin Graham (fils de l’évangéliste Billy Graham) n’ont fait qu’en rajouter à la suspiscion avec laquelle de nombreux Musulmans voient l’Occident chrétien. (3).  
 
De ces sept principes fondamentaux qui caractérisent les sionistes chrétiens et qui sont décrits par Donald Wagner, éminente personnalité universitaire, il nous apparaît clairement que le sionisme chrétien est un mouvement politique et religieux en pleine expansion à l’intérieur des branches les plus conservatrices du fondamentalisme protestant. Mais on peut également le trouver dans les branches plus largement évangélistes du Chris-  
 
tianisme, dont les branches évangéliques des Eglises consensuelles presbytérienne, méthodiste unifiée, luthérienne et autres. Vu son caractère dispensationnaliste et pessimiste, il devient florissant durant les périodes de troubles politiques et économiques. En cherchant à résoudre les problèmes de la manière la plus radicale, les sionistes chrétiens ne font qu’augmenter la haine autour d’eux en exacerbant ces problèmes et en ajoutant aux drames d’autrui. Contrairement au bon sens, cette démarche est salutaire pour les sionistes chrétiens qui ne voient aucune amélioration de la vie sur terre par l’effort humain dans la venue du Messie. D’où la nécessité de l’imminence du second Avènement.  
 
LES DEBUTS DE L’ACTION POLITIQUE DES SIONISTES CHRETIENS 
 
Alors que les sionistes chrétiens spéculaient sur la venue du Messie, un curieux concours de circonstances s’est produit aux alentours de 1840. D’après les enseignements traditionnels du Talmud, cette année-là, l’an 5600 selon le calendrier juif (six siècles du sixième millénaire) devrait être une année exceptionnelle où “les eaux d’en haut” et “les eaux d’en” bas se rencontrent (d’après l’ésotérisme juif). A l’approche de cette date, une fièvre messianique s’empara de nombreuses communautés juives, surtout en Europe de l’Est où les adeptes des faux Messies Sabatti Tzevi et Jacob Frank n’ont jamais désespéré de la venue du Messie. Ainsi, un certain nombre des disciples du Grand Rabbin de Vicna, Eliyah Ben Salomon Zalman, ont estimé qu’il fallait saisir l’occasion et partir en Israël, pour hâter la venue du Messie. Même si l’initiative fut très isolée dans le temps, entre 1808 et 1847, elle n’a pas manqué d’attirer l’attention des sionistes chrétiens.  
 
En revisitant l’histoire, on se rend compte que l’année 1840 est celle qui a vu des évènements dramatiques se produire en Terre Sainte. Le roi d’Egypte Mohamed Ali s’était révolté contre la Sublime Porte et avait conquis la Syrie. Par crainte de voir un grand empire arabo-musulman se former au Machrek, le gouvernement britannique décida d’intervenir en faveur de l’Empire ottoman. En automne 1840, les Britanniques furent vaincus et la présence ottomane affaiblie dans cette région, l’idée d’une région tampon entre l’Empire ottoman et les possessions égyptiennes commençait à voir le jour. C’est dans ce contexte que Lord Palmerston, chef de la diplomatie britannique envoya, le 22 janvier 1839, une lettre à la reine Victoria dans laquelle on lit : “ Que votre règne voie s’accomplir la prophétie, selon l’espoir de ce peuple unique, Juda sera sauvé et Israël demeurera en paix ”(4). Le 17 août 1840, Le Times publia un article sur le projet “ d’installer le peuple juif dans le pays de ses pères ”. Les archives du Foreign Office ont révélé que Lord Palmerston avait donné des instructions dans ce sens à son ambassadeur à Istanbul (5). Il faut reconnaître à propos de Palmerston (1784-1865) qu’il a agi constamment sous la pression et l’influence d’une des plus grandes figures du Protestantisme britannique, Lord Anthony Ashley Cooper, septième Earl of Shaftesbury (1801-1885). Issu de la plus haute noblesse anglaise, Shaftesbury fut l’initiateur des grandes lois sociales ; quant à sa pensée religieuse, elle était celle des prémillénaristes : “ Ma foi en un second Avènement a toujours été le principal mobile de ma vie ”, disait-il, je vis ce qui arrive dans le monde subordonné à ce grand événement ”. C’est là une pensée purement darbyste.  
 
Et lorsqu’en 1838 la Grande-Bretagne ouvrit un consulat à Jérusalem, il écrivait dans son journal en faisant allusion à l’Evangile de Luc (21,24) :  
 
“ L’ancienne ville du peuple de Dieu reprend sa place parmi les nations et l’Angleterre est le premier royaume des Gentils non juifs à cesser de la fouler aux pieds ” (6).  
 
A côté de Shaftesbury, on doit mentionner une autre personnalité très influente dans les sphères politiques britanniques. Il s’agit de Georges Gawler, gouverneur d’Australie, qui, après son retour en Angleterre en 1841, a pesé de tout son poids pour encourager activement l’établissement des Juifs en Palestine. Il a même fait le voyage en 1849 dans ce pays en compagnie du richissime Juif anglais Sir Moses Montefiore. Dans cette ambiance bouillonnante en faveur de la colonisation de peuplement de la Palestine, préconisée par des théologiens et des hommes politiques britanniques, alors que Theodor Herzl, père du sionisme politique, n’était même pas né, fut créée en 1844 à Londres “ la British and Foreign Society for Promoting the restoration of the Jewish Nation to Palestine (la société britannique étrangère pour promouvoir la restauration de la nation juive en Palestine) ”. Un de ses dirigeants, le Pasteur Tullycrybbace, demandait que l’Angleterre obtint de la Turquie tout le territoire de l’Euphrate jusqu’au Nil et de la Méditerranée au désert (7). Lorsqu’en 1871 certaines grandes publications furent lancées, telles Jewish Chroniclle, Hebrew Observer ou Voice of Jacob où beaucoup de sionistes chrétiens proposaient la formation en Palestine d’une “ compagnie à charte ” du genre de la “ Compagnie des Indes orientales” ou de la “ Hudson Bay company ” afin d’acquérir des terres pour pouvoir pénétrer en Palestine, les visées britanniques se précisèrent. Ce fut la tactique du premier ministre Disraeli (1804-1881), d’origine juive et converti à l’Anglicanisme, qui a prévalu. La conquête de la Palestine avait pour prétexte le contrôle de la route de l’Inde.  
 
A la même époque, en 1878, paraissait aux USA un livre de William Blakstone “ Jésus revient ”. Véritable best-seller de son temps, il fut traduit en trente langues. L’essentiel de son contenu est de rappeler le rôle central que devraient jouer les Juifs à la fin des temps. Blakstone estimait que la restauration d’Israël avait été prévue dès le premier Concile apostolique de Jérusalem en se basant sur les “ Actes des Apôtres ” (15, 13 18). En, 1891, il envoya au président Benjamin Harrisson une pétition signée par plus de quatre cents dirigeants chrétiens demandant que les Etats-Unis assurent le retour des Juifs en Palestine. Dans un ton sévère, il fait reproche aux Juifs réformés qui “ renoncent sans aucun regret à toute la gloire d’un royaume messianique au pays de leurs aîeux, préférant leurs confortables palais et les richesses qu’ils ont accumulées dans l’Europe occidentale et aux Etats-Unis”.(8)  
 
Avec l’entrée en scène de Theodor Herzl, toutes les conditions de la réussite du sionisme politique préconisées par ce dernier étaient réunies. Et devant les tergiversations de certains dirigeants sionistes, la Grande-Bretagne a mis à la disposition de Herzl le révérend Heschler, ancien précepteur à la Cour du Duc de Bade, donc un grand connaisseur des familles impériales prussiennes et austrohongroises (Réalités 970) pour le soutenir. Avec combien de doigté et de ferveur il a accompli sa tâche et il fut parmi les rares Chrétiens à être invités au premier Congrès sioniste de Bale (1897).  
 
Six ans après la mort de Theodor Herzl (1904), la Première Guerre mondiale a éclaté. Loin de s’être rangés derrière un seul camp, les dirigeants sionistes ont su avec beaucoup de ruse s’allier individuellement avec les empires centraux et les Alliés. Il y en a même, comme Haîem Weizman, qui ont participé activement à la guerre. Pour le bonheur des dirigeants sionistes, les principales sectes dirigeantes britanniques étaient, d’un point de vue religieux, toutes convaincues du sionisme politique et donc de la nécessité de l’instauration des Juifs en Palestine. Mieux encore, le président américain Wilson l’était aussi.  
 
Après la Première Guerre mondiale et la défaite des empires centraux, l’Empire ottoman a été dépecé comme prévu par les accords franco-britanniques de Sykes-Picot (1916) ; la Palestine a été placée sous mandat britannique. Quoi de mieux pour les Britanniques que de mettre Herbert Samuel, un Juif sioniste – ex ministre de l’Intérieur d’Asquith – comme haut commissaire en Palestine pour réaliser le vœu des Puritains. Il était le précurseur de la déclaration Balfour. A propos de sa nomination, Chaïm Weizman a reconnu : “ Je fus le principal responsable de la nomination de Sir Samuel en Palestine, il est notre ami ; à notre demande, il a accepté ce poste difficile. Il est notre Samuel ” (9). Et depuis, les portes de la Palestine furent ouvertes à une immigration massive des Juifs sans précédent. Et depuis, dans un combat inégal, le peuple palestinien n’a cessé d’être persécuté et martyrisé…  
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Références bibliographiques  
 
1) David Lloyd George, “The Truth about the Peace Treaties”. Victor Golanz Londres 1938 (volume 11.p 1139).  
 
2) “La Déclaration Balfour aux sources de l’Etat d’Israël”, Ed. Complexes, Jean Pierre Alem (p 41).  
 
3) In “The Daily Star” (quotidien libanais) du mercredi 8 octobre 2003 ; article : “Les Sionistes chrétiens, Israël et le Second Avènement de Donald Wagner”, traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier.  
 
4) Jan Willem Van der Moeven, “ Babylone ou Jérusalem”, ed. Chalom Israël, France 1996, (p132).  
 
5) “Barbara W.Tuchman, Bible and Sword”, Ballantine Books, New York 1984 (p175).  
 
6) “Michel J. Pragai ; Faith and Fulminent”- ed. Vallentine, Mitchelle 1985 (p 45).  
 
7) Egal Feldman, “Dual destinies”, University of Illinois Press, 1990 (p 151).  
 
8) William Blatestone “ Jésus revient ” ed. de 1917 (p 224).  
 
9) “ Juifs et Arabes ”, par Jean Pierre Alem (p 126) Ed. Grasset.  
 
Sources : Lien vers http://www.realites.com.tn/index1.php?mag=1&cat=/10025555550000550000000IRAK/1La résistance du peuple&art=10128&a=detail1>

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